Elle est perchée sur le mont Gellért, dominant Budapest. Cependant, cette étrange villa en briques rouges intrigue depuis des décennies. Certes elle est conçue dans le style d’un château médiéval, mais elle captive le regard des passants traversant le pont Élisabeth.
Son histoire, mêlant rêve architectural, spéculation financière et légendes urbaines, en fait l’un des bâtiments les plus fascinants, secrets et mystérieux de la capitale hongroise. Seule à dominer le mont Gellért, malgré la Citadelle située plus haut. Sa présence est toujours source d’interrogations lors des visites guidées de Budapest. Voici l’histoire de la villa Hegedüs Schoch de Gellért !
L’origine de cette villa remonte au début du XXe siècle. A ce moment là, un ambitieux entrepreneur et spéculateur boursier nommé Frigyes Schoch, entama un voyage autour du monde. Lors de son passage en Italie, il fut émerveillé par un palais génois recouvert de marbre. Bien sûr, ce palais est situé sur une colline à Gênes (Castello Türcke). L’idée de reproduire ce chef-d’œuvre à Budapest germa immédiatement dans son esprit.
De retour en Hongrie, il acheta un terrain exceptionnel sur le mont Gellért, offrant une vue imprenable sur la ville. Il rêvait d’y construire une réplique exacte du palais italien, et même d’en faire deux versions en miroir. Finalement, seule une des villas vit le jour, achevée au début des années 1910.
Ce bâtiment imposant, recouvert de briques en clinker, fut rapidement surnommé « la Maison Rouge » en raison de sa couleur distinctive. Cela peut d’ailleurs faire penser aux briques que l’on retrouve dans le Nord de la France. C’est une brique partiellement vitrifiée, plus résistante et plus imperméable.
Frigyes Schoch était bien plus qu’un simple bâtisseur. On peut d’ailleurs un peu le comparer à Ernő Rubik, l’inventeur du Rubik’s Cube, professeur, architecte, ingénieur, entrepreneur… La liste est longue pour les deux.
Héritier d’une famille suisse, il fit fortune comme entrepreneur en construction, concevant des gares ferroviaires et des bâtiments publics. Il investit également en bourse et participa à de nombreuses spéculations financières et immobilières.
À l’époque, posséder un garage était un luxe absolu à Budapest. Schoch en fit donc intégrer un à la villa, ajoutant une touche de modernité à cette demeure aristocratique. Son bureau, situé dans la tour, portait l’inscription « Főnök » (le chef), marquant ainsi son espace privé. De cet endroit, il pouvait contempler Budapest et échafauder ses plans.
Malheureusement, après 1914 la guerre plongea l’économie dans le chaos. C’est d’ailleurs officiellement la fin de l’âge d’or de Budapest initié en 1867 avec le début de l’Autriche Hongrie. Schoch, pris dans la tourmente, ne put éviter la faillite. En 1919, la République des Conseils de Hongrie nationalisa la villa, mettant fin à son rêve.
En octobre 1926, la villa fut achetée par Dr. Lóránt Hegedüs, ancien ministre des Finances sous les gouvernements Teleki et Bethlen. Ce brillant économiste fut chargé de négocier le traité de Trianon et d’empêcher la faillite de la Hongrie après la Première Guerre mondiale.
Les habitants de Budapest commencèrent alors à appeler le bâtiment la « Villa du Violon », en raison de la consonance du nom Hegedüs, qui signifie « violoniste » en hongrois.
Mais derrière ce prestige se cache un drame terrible. En effet, le 31 juillet 1942, la femme et la fille de Hegedüs mirent fin à leurs jours dans la villa. Son épouse Margit Navratil de Szalóki (frère de l’ornithologue Dezső Szalóki-Navratil) souffrait de dépression. D’ailleurs, elle était suivie par un médecin. En effet, elle était obsédée par la peur de l’appauvrissement. Elle entraîna sa fille Margit dans un suicide collectif. Cette dernière, professeur de chimie à Szeged, utilisa une dose de cyanure suffisante pour tuer dix personnes.
Les corps furent découverts par la cuisinière, mais on cacha la vérité à Hegedüs, malade et affaibli. Deux ans plus tard, il se suicida à son tour.
Après la guerre, la villa fut confisquée par l’État, et transformée en foyer pour étudiants étrangers. Avec les communistes c’était la base, tout comme le château d‘Edelény.
Après la chute du régime communiste, la villa attira de nouveaux riches et des personnalités influentes. Plusieurs propriétaires et locataires s’y succédèrent, mais peu acceptèrent d’en parler publiquement.
Un ancien locataire témoigne :
🗣️ « J’ai eu une chance incroyable de pouvoir louer un appartement ici. Chaque logement fait plusieurs centaines de mètres carrés. L’ambiance est exclusive et la vue depuis la tour est incomparable. Mais l’architecture complexe crée des espaces parfois peu pratiques. »
L’un des résidents les plus célèbres fut Andrew Vajna, producteur de cinéma hongro-américain et ami proche d’Arnold Schwarzenegger. Vous savez déjà certainement que Budapest est une ville de cinéma. Précisons que Vajna a produit Terminator, Rambo ou Die Hard 3.
Lors de son retour en Hongrie, il loua l’appartement panoramique de la villa, où il aimait organiser des dîners entre amis. Schwarzenegger lui-même aurait goûté aux plats préparés par Vajna dans cette maison mythique.
Un détail étrange intrigua les visiteurs de l’époque :
🏴 Un mystérieux « drapeau pirate » flottait au sommet de la tour pendant plusieurs mois. Beaucoup pensaient que c’était une farce d’Andy Vajna. Pourtant, sur la sonnette de la villa, on pouvait lire un nom bien curieux : « Jack Sparrow ».
Certains prétendaient que le producteur lui-même jouait ce jeu théâtral, mais selon d’anciens habitants, c’était en réalité un avocat controversé et sa compagne qui s’amusaient à se prendre pour Johnny Depp. Par contre rien sur John McLane…
En anticipation d’une visite guidée de Buda, je me suis enfin rendu à la rue Orom, curieux de voir cette villa de plus près. Depuis les rives du Danube, on ne perçoit pas vraiment toute l’ampleur du bâtiment. Mais une fois face à lui, l’impression est saisissante. Il est vraiment imposant.
Il se distingue nettement des autres constructions de la rue. Plus massif, plus imposant, plus haut, il dégage une présence aristocratique. Malgré sa taille, il conserve une grâce élégante, un charme intemporel qui rappelle les châteaux d’autrefois.
Par simple curiosité, j’ai vérifié les noms sur l’interphone. Pas de Andrew Vajna qui est décédé en 2019, mais il y a toujours ce mystérieux « Jack Sparrow »…
Avec son architecture inspirée d’Italie, son histoire mouvementée et ses légendes, la Villa Rouge reste l’un des édifices les plus intrigants de Budapest. Située sur l’un des points de vue les plus prestigieux de la ville, elle demeure un symbole de prestige et de mystère.
Qui sait quelles nouvelles histoires viendront encore enrichir son passé déjà bien chargé ? 👀✨
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